DREUX
Le 10 janvier 2008
Chère Dominique,

Aujourd'hui on peut le dire, l'œuvre de Matisse est redevenue mobilière. A-t-elle momentanément perdu son unité signifiante? Mais l'automne n'est-il pas promesse de renaissance ? Le printemps apparaîtra là-bas, bientôt, dans ton musée.

Mais il est encore bien des étapes à franchir avant de "planter le platane" dans ton musée. De toutes petites étapes certes, mais dont la somme multipliée par 128 carreaux nous demandera beaucoup de temps.
Ainsi, à chaque fois que l'on décolle la gaze, à présent inutile, en humidifiant la surface, nous examinons attentivement les rives du carreau au cas où un fragment ne se trouve fixé sur la gaze encollée. Nous n'avons eu que deux ou trois cas.
Sur la rive reste en outre sur tous les carreaux les résidus du joint qui s'enlèvent difficilement par grattage au scalpel ainsi qu'en faisant usage du stylet vibreur pour les plus résistants. Tout cela est simple mais si long. Nous n'en voyons pas le bout...

La surface, elle aussi, demande à être nettoyée à l'acétone/alcool pour effacer les restes de colle qui gardent le souvenir de la trame de la gaze, seulement perceptible dans les reflets de la lumière.
Une bonne moitié des carreaux étant prête, nous avons en parallèle entrepris l'avant-dernière étape : les systèmes de fixation.

Première étape : nous collons au centre de chaque carreau un carré de papier Japon. Il protègera le carreau du contact avec la résine époxy qui collera l'attache métallique.

Seconde étape : nous collons un grand carré de gaze. En cas de casse accidentelle d'un carreau au musée (chute d'une échelle en changeant une lampe par ex.) les fragments n'exploseront pas en tombant au sol.

Troisième étape : quatre petits plots de caoutchouc mousse sont collés dans les angles. Ils formeront un contact souple et antidérapant entre le carreau et le panneau.

Cinquième étape : l'attache fabriquée en fil de laiton est collée au carreau par un carré de fibres de verre et de résine époxy. Pour conserver sa mobilité, les extrémités sont habillées d'une gaine noire pour le panneau de gauche et rouge pour le droit.
Tu vois le temps qui passe et tu t'inquiètes. C'est vrai, nous sommes à présent à 15 jours de l'inauguration. C'est vrai aussi qu'à nous deux nous n'aurions plus assez de jours pour effectuer tout ces gestes répétitifs et pourtant indispensables.

Aussi, une fois n'est pas coutume, nous avons fait appel à nos parents qui nous offrent beaucoup de temps pour en venir à bout. Même notre petit garçon s'est mis à la tâche. Tant que l'inspecteur du travail ne nous rend pas visite...

Alors sois rassurée.
Tout ira bien, tu verras.

Nous mettons tout en caisse et dans quelques jours, nous serons au Cateau Cambrésis à tes côtés.

Sandrine et Benoit.